Créer l'équilibre parfait entre vie professionnelle et personnelle pour les générations futures




Faites connaissance avec l'équipe de Gaufab, un atelier de conception et de fabrication de décors commerciaux et de théâtre intérieurs et extérieurs.





Ce que nous n'avons pas appris


« On n'est pas trop techno nous autres-là. Les ordinateurs, c'est difficile. C'est bizarre enh...? On n'est pas de notre génération là-dessus. On s'est concentré sur le manuel, mettons. »

À les entendre parler, on pourrait croire qu'il s'agit d'une discussion avec nos parents, avec notre oncle bricoleur ou même avec nos grands-parents, alors que non. Alex et Sarah-Jeanne ont tous deux 27 ans. Ils travaillent chez GauFab, un atelier de fabrication de décors situé dans le quartier Rosemont à Montréal, qu'Alex a fondé. GauFab, c'est 6 artisans qui conçoivent du mobilier pour des clients de tous horizons (événementiel, commercial et institutionnel). Installations temporaires extérieures, objets scéniques et pièces artistiques sur demande, ne sont que quelques exemples des réalisations qu'ils créent quotidiennement.


Étant les seuls manuels parmi leur groupe d'amis, le couple a une longue liste d'attente pour fabriquer : meubles, tablettes et toutes autres demandes du genre pour leur entourage.


Chaque année, le nombre de personnes avec des compétences manuelles diminue. Nous sommes plus informés, mais jamais avons-nous été si peu habiles. Avec une quantité impressionnante de ressources à notre disposition, nous sommes tout de même portés à acheter les choses, plutôt qu'à les fabriquer. Le scénario est le même pour la rénovation. Quand un problème survient, nous préférons appeler un professionnel, plutôt que de le régler par soi-même.


C'est à se demander : à quel moment nos compétences manuelles se sont-elles perdues? Il n'y a pas si longtemps, presque tout se faisait à partir de ses mains. Pour les générations précédentes, « nos vieux », se construire une chambre au sous-sol ou refaire la galerie allait de soi, ils savaient comment faire. Maintenant, pour la plus grande majorité, c'est plutôt sur nos claviers ou un nos écrans tactiles que nous sommes doués. Pas pour changer un luminaire ou poser des rideaux.



Bâtir sa propre entreprise

Tout commence en 2016, alors qu'Alex sort du programme en production de l'École National de théâtre. « Au départ, c'était mes chums qui m'appelaient pour les projets artistiques qu'ils avaient besoin : Gauvin, fais-moi ci! Fais-moi ça! » À cette époque, il est aussi directeur technique pour certains spectacles et événements. « La problématique que je trouvais, c'est que les ateliers de fabrication de décors, c'est de grands ateliers avec de grands locaux et de grandes équipes qui prennent seulement de grands projets. Je trouvais qu'il n'y avait pas de compagnies dédiées aux réalisations plus modestes. » Gauvin Fabrique venait alors de naître par la force des choses. Avec un arrière-grand-père, un grand-père, un père et un frère entrepreneur, tout semblait aligné pour qu'il finisse, lui aussi, avec son entreprise.

Ce qui primait pour Alex, c'était de ne pas toujours faire la même chose. « J'avais de la misère à décider si je voulais être soudeur, menuisier ou chargé de projets. De la comptabilité, j'aime ça en faire, mais je n'en ferais pas 40 heures semaine. En me créant une entreprise, je pouvais faire tout ce que je voulais. »

« En me créant une entreprise, je pouvais faire tout ce que je voulais. »

Au début, son plan, c'était de construire des affaires dans son atelier, tout seul, et de faire des petits projets, tout seul. « Je me suis bien rendu compte qu'on ne pouvait pas faire ça. » Après avoir été rejoint par Sarah-Jeanne et 4 autres employés Gauvin Fabrique prie alors de nom pour GauFab pour être plus collectif.



Tous les chemins mènent à l'atelier

Pour Alex, son côté manuel, c'est de famille : « Mon frère est charpentier-menuisier, mon père était électricien et monteur de lignes, mon oncle est électricien, mon beau-père est plombier… » Dès son plus jeune âge, il s'amusait déjà à bricoler avec de vieux vélos qu'il trouvait un peu partout.


Pour Sarah-Jeanne, l'intérêt de travailler de ses mains ne lui vint qu'au cégep, soit l'équivalent d'un collège au Québec : « J'étudiais en production télévisuelle, mais je tripais surtout sur tout ce qui était de faire les décors, mais il n'y avait pas vraiment de cours là-dessus. » Ayant découvert sa nouvelle passion, elle fit ensuite un baccalauréat en scénographie, puis rencontra Alex. Sarah-Jeanne occupe le poste de directrice artistique chez GauFab, même si au final, Alex et elle finissent par faire un peu de tout. Elle supervise chaque étape du processus, en plus de s'occuper de la finition. Ce qu'elle aime le plus : trouver des réponses : « Ce qui m'inspire, c'est de toujours être à la recherche de solution pour arriver à un but précis, mais ce but précis, il change tout le temps. »


Sarah-Jeanne vient du Lac-Saint-Jean, une région au nord de Québec. Alex lui, est né à Saint-Bruno, une banlieue de Montréal. Selon eux, le contexte de région peut amener à être manuel : « Les gens ont leur propre maison, donc plus d'espace. Ils vont avoir des outils et un atelier, ils vont construire eux-mêmes leur patio ou travailler sur leur maison. Ce que les gens font moins dans les grands centres parce qu'ils sont moins propriétaires, mais aussi qu'ils ont moins d'espace. Donc oui, peut-être que la région a une influence. »


Cependant, même avec un entourage manuel et le fait d'habiter en région, c'est vraiment l'intérêt qui va faire la grosse partie du travail. Eux, c'est quand ils conçoivent quelque chose de tangible, qu'ils se réalisent pleinement. « J'ai personnellement besoin de ça pour m'accomplir », commente Alex. « J'aimais le fait de commencer un projet de mes mains, d'avoir un résultat et d'être fier de ce que je faisais », ajoute Sarah-Jeanne.



Perdre l'usage de ses mains

Alors que les deux artisans manient marteau, perceuse, scie et pinceau avec aisance, on ne peut pas en dire autant des dernières générations. « J'espère que ça ne sera pas de plus en plus marginal de fabriquer de ces mains », dit-il avec espoir. « J'espère qu'au contraire, le monde va se transformer, mais il va quand même y avoir l'intérêt d'être autosuffisant du travail manuel. »

S'il y a en bien deux qui connaissent les avantages d'être doué manuellement, c'est bien eux : « T'es tellement débrouillard. Tu peux fabriquer et réparer des choses par toi-même, comme on l'a fait chez nous. Donc ça, c'est très satisfaisant. » Il y a aussi l'aspect économique qui joue dans la balance : « Le travail manuel que tu vas faire chez toi est deux fois plus rentable que de payer quelqu'un pour le faire. »

« Le travail manuel que tu vas faire chez toi est deux fois plus rentable que de payer quelqu'un pour le faire. »

C'est pour ça que les métiers de soudeur, de plombier ou d'électricien sont des métiers qui sont respectés dans la société. Comme de moins en moins de gens vont savoir le faire, explique-t-il, les compétences manuelles vont prendre de la valeur avec le temps. Ceux qui vont savoir le faire vont être valorisés.



Un mariage, mais pas de divorce

Alors que Sarah-Jeanne est à l'université dans un cours de conception de projections elle entend son professeur dire : « La projection va remplacer les décors. Ça coûte un peu moins cher et ça peut être plus réaliste. » Pas du tout du même avis, elle nous confie : « J'avais peur, parce que j'avais l'impression de perdre le travail pour lequel j'étais en train d'apprendre. »

Ça, c'est principalement ce que Alex et Sarah-Jeanne aimeraient qu'on évite avec le développement de la technologie. Selon eux, le progrès technologique a du bon, tant qu'il ne remplace pas un humain.

Alex donne l'exemple d'une perceuse : « Ça l'air niaiseux, mais avant son arrivée, on utilisait des vilebrequins pour percer et pour visser. Tout était fait à la main. Mon mentor de menuiserie scénique, lui, a vu ce passage et pour eux, c'était une vraie révolution. Ça c'est le genre de collaboration entre la technologie et l'être humain qui devrait continuer à se développer, ne serait-ce que pour la sécurité des ouvriers et des ouvrières et l'efficacité. J'espère que ça va évoluer de cette façon-là et non juste des robots qui vont tout fabriquer. »

Dans leur milieu, la technologie peut avoir un gros impact sur leur productivité. Toutefois, elle ne pourra jamais tout remplacer. Bien des opérations demeureront toujours faites à la main. « On a un ami qui a une grande machine pour découper de grandes pièces de bois. Ça nous aide, parce que nous fait sauver du temps, c'est très précis. Ce qui pouvait prendre une journée va prendre 15 minutes à la machine. Comme c'est utile à notre travail, on va s'en servir. Après, il y a toujours une part du travail qui va être humaine, comme l'assemblage par exemple. Ce qu'on fait, c'est très custom, c'est un truc qui n'existe pas. Le temps de programmer ce qu'on fait une seule fois dans la vie va être beaucoup trop long. C'est pour ça que l'assemblage ou la finition, ça va rester de nos mains », comme l'explique Sarah-Jeanne.



Ce que nous léguerons à Lou

Lou, c'est leur petit garçon. Il a à peine un an et demi. Quand on leur demande si lui inculquer des connaissances manuelles est important pour eux, Sarah-Jeanne répond immédiatement : « Bien là, vraiment, complètement! »


« Moi je me rappelle être allé chez Rona avec mon père pour faire des cabanes à oiseaux quand j'étais jeune. Je m'en rappelle encore et ça a sûrement influencé ce que je fais aujourd'hui. On est aussi très bien outillé pour faire des cabanes à oiseaux à la shop », ajoute-t-elle avec un rire.


Pour le couple, l'éducation scolaire est importante, mais l'éducation manuelle l'est tout autant. « Moi, mes parents me disaient que l'université, c'est un gage de réussite et je pense que c'est vrai là, si c'est ça qui t'intéresse, mais développer des capacités manuelles et des capacités d'autosuffisance, ça l'est tout autant. »


Lou va grandir en ayant ses goûts et ses propres préférences. Toutefois, ça n'empêchera pas ses parents de vouloir l'initier à leur mode de vie : « Nous on va vouloir l'amener à la shop, lui faire faire de petits projets. On fait ça de notre vie et de nos loisirs, on se construit des meubles pour chez nous, on va vouloir qu'il y prenne goût. »


Sarah-Jeanne conclut en disant : « Quand il va partir en appartement, ce qui est très loin quand même, mais il faut qu'il ait son coffre à outils et qu'il sache se débrouiller. Peut-être même qu'il va pouvoir instruire et inspirer ses amis. La prochaine génération. »



En savoir plus sur GauFab au site Web gaufab.com.